Remettre la mer à la mode : le pari du nouveau Musée de la marine de Paris
- Félix D'Orso
- 20 janv. 2021
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 21 janv. 2021
En travaux, l’institution lance une grande consultation et met en place des ateliers en ligne afin de prendre en compte les demandes du public. L’objectif : transformer les lieux en profondeur.

Les travaux ont débuté en mars 2017. © C. CASSON MANN / LMNB
Fermé depuis mars 2017, le musée parisien devrait achever sa rénovation à l’horizon 2022. Mais plutôt que de réaliser un grand “carénage” de façade, son directeur Vincent Campredon compte transformer le lieu afin de remettre la mer au cœur des préoccupations des Français. Une grande consultation en ligne a ainsi été lancée lundi 19 janvier pour connaître les attentes du public. Mais convaincre des urbains n’ayant pas tellement le pied marin que la mer est “le moteur de l’avenir”, ce n’est pas une mince affaire.
Car contrairement à sa voisine d’outre-Manche, la France ne s’est jamais pleinement tournée vers les océans. « Notre problème, c’est que nous voyons la mer comme notre lieu de vacances d’été ou comme le supplément d’une chambre d’hôtel avec vue… Eric Tabarly disait même : "La mer pour les Français c’est ce qu’ils ont dans le dos lorsqu’ils regardent la plage" », se désole Christian Buchet, directeur du Centre d’études de la mer de l’Institut catholique de Paris, “très impliqué” dans le nouveau projet de musée.
Un désintérêt en partie dû à la faible culture maritime des programmes scolaires français. “Le seul moment où on vous parle de la mer à l’école, c’est pendant les cours de littérature du secondaire à travers deux auteurs : Pierre Loti pour Pêcheurs d’Islande et Victor Hugo, pour Les travailleurs de la mer et Oceano Nox, poursuit le spécialiste. Ce ne sont pas des visions très positives du milieu marin. À moins d’être sado-maso, ça ne donne pas envie de tenter l’aventure.”
“La mer, c’est l’avenir”
Une vision quelque peu dépassée du monde marin, que les visiteurs pouvaient ressentir aussi dans les couloirs du Musée de la marine avant les travaux. En effet, depuis son ouverture au Palais de Chaillot en 1943, sa muséographie n’avait jamais été repensée. L’objectif de la rénovation est donc double : se débarrasser d’une image “vieillotte” et faire de l’endroit “un outil puissant de sensibilisation aux enjeux de la mer d’aujourd’hui et de demain.” Dans un entretien au Télégramme, le directeur du musée, Vincent Campredon envisage même de “montrer au public que la mer est l’avenir de l’humanité.”
Une vision un peu exagérée ? Pas du tout selon Christian Buchet. “La mer contient la quasi-totalité des solutions pour un avenir durable en termes d’énergie, de santé, de bien-être, de construction, de tourisme…” Les clés de notre avenir pourraient d’ailleurs se cacher dans les profondeurs aquatiques. “On s’aperçoit que la mer est en avance sur nous en termes de recherche et de développement”, juge le spécialiste. “La moule sécrète par exemple une colle appelée Byssus lui permettant d’adhérer aux rochers. Il s’agit de la colle la plus puissante qui existe et elle nous vient du monde marin.” Autre exemple : “L’ormeau possède une coquille faite de la substance la plus dure qui existe au monde. Les chars américains à côté, c’est du carambar mou”, juge-t-il encore. “Tout cela alors qu’on ne connaît pas plus de 2 à 3 % de la microbiologie marine”, conclut-t-il.
Faire du bruit autour du monde du silence
Pour pleinement intégrer la dimension scientifique des océans à la muséographie, la direction de ce Musée de la marine 2.0 entend “développer sa relation avec l’enseignement supérieur et la recherche.” Plus qu’un espace d’exposition traditionnel, le musée a en outre vocation à devenir “le lieu parisien des évènements culturels et de toutes les manifestations populaires liées à la mer” afin de faire du bruit autour de ce monde du silence. “Il y aura des lieux où l’actualité des océans sera évoquée en permanence, où l’on pourra échanger autour de la mer… Sur le modèle d’un incubateur d’entreprises”, détaille Christian Buchet
Finies, donc, les impressionnantes maquettes de bateaux en bois et les tableaux représentant les célèbres batailles navales de l’histoire de France ? Que les amateurs se rassurent. “Il faut évidemment conserver les maquettes, elles sont magnifiques”, tempère Christian Buchet. Car faire cap vers l’avenir ne veut pas forcément dire faire table rase du passé. “L’histoire est d’une importance cruciale parce qu’elle permet de tirer les enseignements du passé et on s’aperçoit que se tourner vers la mer, c’est surfer sur les vagues du succès”, poursuit-il. “À condition bien sûr, de conjuguer également la mer au futur”.
Comme le marin ayant besoin de sa carte pour naviguer en eaux inconnues, les Français pourront donc s’appuyer sur le nouveau Musée de la mer dans leur quête de maritimité.
Pour participer aux ateliers collaboratifs, rendez-vous sur :
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