Accusé d’avoir refoulé des migrants en mer Egée, Frontex dément, mais…
- felixdorso4
- 22 janv. 2021
- 3 min de lecture
L’organisme européen de contrôle des frontières a été épinglé en octobre dernier. Si Frontex jure n’avoir trouvé aucune preuve des accusations, des zones d’ombres persistent. Hublot fait le point.

Illustration. En décembre 2020, 42 embarcations de migrants auraient été forcées à faire demi-tour vers la Turquie, selon Aegean Boat Report. © Aris Messinis AFP.
“Je suis heureux que, jusqu'à présent, le groupe de travail n'ait trouvé aucune preuve de l'implication de Frontex dans des refoulements présumés”, s’est félicité mercredi 21 janvier sur Twitter Fabrice Leggeri, président de l’organisme chargé du contrôle des frontières européennes. La place de ce dernier est menacée depuis que des vidéos montrant un navire de l’organisation bloquant la route à une embarcation de migrants en mer Égée, ont été publiées en octobre par plusieurs médias. Or le conseil d’administration de Frontex a affirmé jeudi 21 janvier n'avoir trouvé aucune preuve de violations des droits de l'homme.
Quelle est la situation en mer Égée ?
Ces quinze dernières années, la frontière gréco-turque a été l’un des principaux points d’entrée des réfugiés dans l’Union européenne. “Mais les interventions terrestres et les contrôles aux frontières ont progressivement déplacé le flux migratoire vers la mer Egée et les îles grecques”, explique à Hublot Matthieu Tardis, chercheur à l’Institut français des relations internationales et spécialiste de la politique européenne d'asile et d'immigration. Mais les règles changent en mars 2016 avec l'entrée en vigueur de la “Déclaration UE-Turquie”. “En signant ce deal, les Turcs acceptent d’empêcher les départs de migrants de ses côtes vers l’Europe”, poursuit Matthieu Tardis.
Leur seule solution légale pour rejoindre l’Europe désormais : fournir une demande d’asile et que celle-ci soit acceptée par les instances de l’UE. “Ils se sont tous mis à demander l’asile, ce qui a donné des situations incontrôlables comme celle du camp de Moria sur l’île de Lesbos”, conclut le spécialiste. Ainsi, en décembre 2019 malgré une baisse de 96 % par rapport au même mois l’année dernière, 55 bateaux de migrants ont tenté de rejoindre la Grèce, selon le site de l’ONG norvégienne Aegean Boat Report.
Qu’est-ce-que Frontex ?
Au plus fort de la crise migratoire, la Grèce a sollicité l’aide de Frontex, un organisme européen fondé en 2004, dont la mission est justement d’appuyer les États membres dans le contrôle de leurs frontières extérieures. “La Grèce fournit seulement des bateaux et du matériel à Frontex et reste responsable de la gestion de ses frontières”, rappelle Matthieu Tardis. L'agence, dont le siège se situe à Varsovie (Pologne), compte rassembler un effectif de 10 000 gardes-frontières et gardes-côtes en 2027. Parmi eux, 40 salariés chargés de veiller au respect des droits fondamentaux dans les opérations de l'agence, selon Le Figaro. Un responsable de l'organisme est par ailleurs chargé de veiller au respect des Droits humains.
Que leur reproche-t-on ?
En octobre 2020, une enquête conjointe menée par les médias Bellingcat, Der Spiegel, Lighthouse Reports, ARD et TV Asahi, accusait Frontex - photos et vidéos à l’appui - d'être impliqué avec les garde-côtes grecs dans des incidents de refoulement de bateaux de demandeurs d'asile de Grèce vers la Turquie.
“Cette pratique, que l’on appelle aussi pushback, est illégale, car il est interdit de refouler un demandeur d’asile sans avoir examiné sa demande. Dans leur cas, il faut d’abord regarder si la situation dans leur pays d’origine justifie le départ”, explique à Hublot Christophe Deltombe, ex-directeur de la Cimade, une association de défense des droits des migrants et réfugiés. Ces actions, si elles sont avérées, constitueraient une violation de la législation européenne relative aux droits de l'Homme et la Convention de Genève de 1951.
Quelles seront les suites ?
Si lors de son enquête interne, le conseil d’administration de Frontex n’a pas trouvé de preuves pour l’instant, il a toutefois précisé que ses conclusions concernaient certains incidents et que des clarifications supplémentaires étaient nécessaires pour achever l'examen des faits. Il a également déploré que l'agence n'ait pas fourni à temps des informations sur certains incidents, et demandé à Fabrice Leggeri, de "fournir immédiatement les informations manquantes". L'office européen de lutte antifraude (Olaf) a par ailleurs confirmé en janvier, avoir ouvert une enquête concernant Frontex.
“La question maintenant va être de savoir devant quelle juridiction pourrait alléguer une violation des droits de l’Homme ?”, prévient Matthieu Tardis, “Mais pour l’instant, comme la réponse n’est pas claire, tout le monde semble se renvoyer la balle”.
Une situation qui place l’Union européenne dans une position délicate. “Espérons que je n’obtienne pas de preuve de ces refoulements. (...) J’espère qu’il n’y a pas d’implication”, déclarait jeudi 21 janvier, Ylva Johansson la commissaire européenne chargée des Affaires intérieurs dans un entretien à Euronews.
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