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La mode éthique plébiscitée chez les jeunes

Entre la volonté de mieux consommer, de manière plus durable et faire des économies, difficile de trouver le juste équilibre. Deux groupes s’affrontent : ceux qui optent pour la seconde main via la plateforme Vinted et ceux qui n’hésitent pas à économiser pour s’offrir des pièces neuves. Des achats parfois très chers, garantis éthiques et durables.

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“J’en ai marre, je veux trop de nouveaux vêtements mais je n’ai pas assez pour investir dans des trucs de qualité et produits de façon éthique. J’ai déjà craqué une fois sur Zalando et je m’en veux trop” se lamente Émilia sur Twitter, le 22 janvier. Car l'impact environnemental et social du secteur de l'habillement n'est plus à prouver. Une étude publiée en 2020 révèle les conséquences catastrophiques de la production et des lavages de nos vêtements en jean sur les océans. On ne compte plus aussi les appels au boycott de certaines marques qui profitent du travail forcé de la communauté Ouïghours, ou plus généralement de leurs travailleurs (dont des femmes et des enfants), qui fabriquent des vêtements dans des usines aux conditions de travail désastreuses.


Face à cette réalité de plus en plus médiatisée et en cette période de soldes, les jeunes sont de plus en plus nombreux à se poser la question fatidique : comment acheter éthique ? “Vinted !” répond une Twittos à Émilia, en guise de solution à son problème. La plateforme en ligne a été crée en 2013. Dessus, on peut vendre et acheter des vêtements de seconde main, de toute marque, tout état, et pour tous les budgets. Elle fait partie des alternatives pour renouveler sa garde-robe sans pour autant faire un trou dans son porte-monnaie, et tout en étant plus écolo.

La seconde main, star de l'éthique petit budget


Vinted fait partie de ce qu'on appelle les "gagnants" de la crise sanitaire. De 350 personnes fin 2019, elle est passée à plus de 600 employés fin 2020 et la licorne (entreprise valorisée à plus d'un milliard de dollars) continue de s'exporter dans le monde entier. France fait partie de ces Vinted-addict, qui ne jurent plus que par la seconde main. "Quand tu es jeune, tu as parfois honte de ne pas avoir des vêtements neufs ou de marques. Mais je me suis facilement détachée de ça, dès le lycée, j’allais en fripe. Ça va faire 2 ans que je n’ai pas acheté du neuf, à part les sous-vêtements", explique-t-elle, avec une certaine fierté.


Elsa a développé sa conscience écologique avec les années, et ne jure, elle aussi, plus que part Vinted, les fripes et des comptes Instagram. "Ça se fait rapidement mais c'est quand même un processus, de décider quoi arrêter, comment procéder pour chaque dimension de ta vie de tous les jours. Avant, je n'achetais pas énormément de vêtements, mais j'allais dans des enseignes dans lesquelles je ne vais plus du tout maintenant, comme Zara ou H&M". À 21 ans, elle garde aussi un oeil sur les marques "éthiques" qui se sont développées depuis quelques années. "C'est le cas de pas mal d'étudiants je pense. On suit ces marques, mais on n'a pas les moyens d'acheter des choses là-bas, ou alors c'est exceptionnel".


Les marques "éthiques" ou la belle qualité pour les gros budgets


Ces marques tentent de créer des vêtements qui n'ont aucun impact sur l'environnement et qui garantissent des conditions de travail correctes, même à l'étranger. Lo Neel en fait partie, selon sa créatrice, Loane Cognard. "On a 3 mantras. Le respect des hommes, des animaux et de la nature. Pas de tissu animal, et on utilise des colorants végétaux comme la pulpe de maïs. Ça n'a aucun effet sur l'environnement parce que ce sont des déchets issus de l'industrie alimentaire et ils sont biodégradables", détaille-t-elle. Conditions de travail strictement surveillées, vêtements issus de l'upcycling (recyclage de tissus), de déchets ou de fibres naturelles, la garde-robe Lo Neel reste néanmoins coûteuse.

"Tu vas t'acheter une chemise qui va te durer 15 ans alors que la chemise Zara va durer un an, des enfants l'auront faites et tu vas polluer la mer en même temps"

Elsa s'est quand même autorisée une folie, en investissant dans une banane Lo Neel. "Je l'adore, cette banane, mais c'était ponctuel. Je ne vais pas m'en acheter pendant quelques années", précise-t-elle. Pourtant, malgré les prix, la clientèle de Loane est composée en majorité d'étudiants. "Ce ne sont pas les plus riches mais ils sont hyper engagés dans l’écologie, raconte la jeune femme qui multiplie les conférences pour alerter sur l'impact environnemental du textile,"ma clientèle est composée à 80% de personnes engagées et j'espère qu'un jour, les 20% restants seront vraiment dans le mouvement". Pour elle, la qualité justifie le prix : "Tu vas t'acheter une chemise qui va te durer 15 ans alors que la chemise Zara va durer un an, des enfants l'auront faites et tu vas polluer la mer en même temps."

Plus d'éthique mais toujours autant de consommation


Les ventes chez Lo Neel ont explosé pendant le premier confinement mais le souffle est retombé au second. Pour l’économiste Philippe Moatti, co-président de l’observatoire de la société et de la consommation, l’engouement des jeunes pour une garde-robe plus éthique reste à nuancer : “Le marché de l’occasion a explosé, mais il est à interroger, est-ce que ce n’est pas une autre manière d’hyper consommer ? Les gens qui achètent sur Vinted avancent souvent un argument écologique, mais je ne suis pas sûr que ce soit la motivation première.” Certes, les vêtements ont déjà été portés mais on ne pourra jamais être à 100% éthique avec le phénomène de mode. “Ce qui anime d’abord les gens qui s’y adonnent c’est d’abord de pouvoir changer régulièrement de vêtements et d’acheter moins cher. Et, accessoirement, il y a la bonne conscience, agir de manière moins défavorable à l’environnement.”

Plus le citoyen prendra conscience et plus les médias en parleront et le condamneront, plus ça contribuera à faire évoluer les normes sociales.

Cette nouvelle mode éthique serait donc une sorte de cercle vicieux pour l’économiste. La seconde main, les marques "éthiques", les comptes Instagram ou les systèmes type Le Closet (location de vêtements) contribuent à diminuer l'impact écologique et social de l'habillement. Mais pour Philippe Moatti, les modes de consommation ne changeront pas durablement dans le système économique actuel sans une évolution des valeurs de la société : "Plus le citoyen prendra conscience et plus les médias en parleront et condamneront [les mauvaises pratiques], plus ça contribuera à faire évoluer les normes sociales".


Paola Guzzo et Lisa Drian


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