top of page

Des stages pour réconcilier les jeunes avec la police

Dès le collège, les jeunes vont pouvoir effectuer des stages dans la police. L'objectif du ministère de l'intérieur: apaiser les tensions, surtout dans les quartiers populaires.

Après le Beauvau de la Sécurité, Gérald Darmanin annonce la création 10 000 stages à l'Intérieur

Comment réconcilier les jeunes des « quartiers de reconquête républicaine » avec les forces de l’ordre ? Dans une interview donnée au Parisien lundi 25 janvier, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin annonçait « dès la semaine prochaine » la création de 10 000 stages et contrats d'apprentissages au sein du ministère de l’Intérieur d’ici à la fin du mandat d’Emmanuel Macron. Y compris au sein des forces de police. Ces stages seront accessibles aux collégiens, aux apprentis, aux étudiants, en priorité issues des 60 QRR ou « quartiers de reconquête républicaine » (un dispositif créé en 2018 par son prédécesseur, Gérard Collomb, avec pour but d’identifier les quartiers où la lutte contre la délinquance et les trafics sont prioritaires).


L’objectif de cette mesure est double. « D’une part, explique Matthieu Ellerbach, conseiller en communication du ministre, il s’agit d’offrir à la jeunesse, et notamment celle des quartiers populaires, des perspectives. En cette période du covid, il leur est particulièrement difficile de trouver des formations, stages et emplois. D’autre part, poursuit-il, le ministère de l’Intérieur et la jeunesse ont besoin de se rapprocher ». Les moins de 25 ans sont en effet « très critiques » vis-à-vis des forces de l’ordre, selon un sondage IFOP du 24 janvier 2020. Pour Ambroise Méjean, délégué général des Jeunes Avec Macron, mouvement à l’initiative de la mesure, « il faut créer du lien humain entre les jeunes et les policiers afin d’apaiser les tensions et lutter contre le séparatisme ». Le ministre est plus mesuré « l’objectif est de permettre aux jeunes, à travers l’ouverture de perspectives, de se rapprocher du ministère de l’intérieur ».


« Pas de présence sur la voie publique »


Les futurs stagiaires ou apprentis seront répartis dans l’ensemble des services du ministère. «Du stage de 3ème au stage ou apprentissage professionnalisant de fin d’études, tous les métiers du ministère de l’Intérieur seront accessibles, les mécaniciens, armuriers, agents administratifs, communicants, police technique… » détaille Matthieu Ellerbach. Du côté des syndicats de policiers, on approuve mais on questionne. « Nous sommes pour l’ouverture de l’institution mais quelles en seront les conditions ? » s’interroge Thierry Clair, secrétaire général adjoint de l’UNSA (Union Nationale des Syndicats Autonomes), « Qui va gérer les jeunes stagiaires ? Qu’est-ce qu’on va leur permettre de découvrir ? Jusqu’à quel niveau on va pouvoir les intégrer ? Quand on porte une tenue on peut être amené à intervenir à tout moment sur des missions plus complexes… » poursuit-il. « Ce qui est sûr, renchérit Anthony Caillé du syndicat CGT-Police, c’est que cela demandera des moyens, notamment en formation».


Autant de questions pour l’instant en suspens mais sur lesquelles le ministère se veut rassurant « il n’y aura pas de présence sur la voie publique des stagiaires, ils rempliront seulement des tâches administratives, pour les apprentis il faudra regarder mais ils ne seront pas affectés sur les missions que peuvent remplir un emploi stable ». Quant au financement, «le ministère de l'Intérieur va prendre sa part pour répondre aux difficultés que la jeunesse de France connaît à cause du Covid » selon les mots de Gérald Darmanin.


Rétablir la confiance


Sur le fond, « il pourra y avoir des effets bénéfiques, analyse Mathieu Zagrodsky, chercheur associé au Centre de Recherches Sociologiques sur le Droit et les Institutions Pénales (CESDIP), ces jeunes vont rentrer dans le giron et l’autorité de l’Etat et dans la galaxie police, puisqu’ils vont les croiser et travailler avec eux ». L’annonce a été plutôt bien accueillie par la municipalité de Besançon où le quartier de la Planoise figure parmi les 60 QRR, « nous regarderons cela de très près pour que les contrats et ces stages puissent se faire, déclare Anne Vignot, la maire (EELV) de la ville, cette jeunesse est pleine d’envie et de projets, mais est souvent enfermée dans un monde particulier. Ce pourra être pour elle une opportunité de s’exprimer et de découvrir les enjeux de ces métiers du ministère de l’Intérieur. Nous avons besoin d’une relation de confiance, pour nous c’est fondamental ».

La confiance, selon Mathieu Zagrodsky, « c’est l’un des points clé de la relation police et population. La création de contact entre les jeunes et la police doit se faire dans d’autres situations que celle de l’interpellation et du contrôle ». Aujourd’hui, les jeunes des QRR ont « avant tout » des liens basés sur des contrôles d’identité et « ce n’est pas possible d’avoir une relation saine et apaisée avec cela. » Car il ne faudrait pas que seuls les jeunes qui n’ont pas une image négative de la police postulent à ces stages, « l’enjeu c’est de convaincre ceux qui sont méfiants ou hostiles», estime le chercheur, or comment fait-on pour les attirer ? De plus, souligne-t-il, ce n’est pas avec 10 000 jeunes sur 60 quartiers sur 18 mois que l’on va révolutionner le rapport police-population. Il faut un effet continu et une réflexion plus générale sur les méthodes d’intervention, de formation, ou sur la question de savoir quelle est l’instance ou le dispositif qui permet une communication entre la police et les citoyens. C’est une pièce d’un puzzle qui en compte beaucoup d’autres. »

Le ministère souhaite en tout cas aller vite. Dès la semaine prochaine, les formulaires de candidatures seront disponibles, et les premières réponses données le mois prochain, pour un début des stages et apprentissages dès les mois de mars ou avril.



Comments


bottom of page